Tout savoir sur l’UES (unité économique et sociale) et les établissements distincts
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Complexe, la notion d’unité économique et sociale (UES) n’est pas clairement définie par la loi. Dans la pratique, on considère que les sociétés rassemblées en une UES forment une seule entité. Les sociétés peuvent elle-même être divisées en établissements distincts. Il faut savoir que la reconnaissance d’une UES conduit à la mise en place d’un comité social et économique (CSE) commun à toutes les sociétés, comme le Code du travail le prévoit pour toute entreprise d’au moins 11 salariés. Qu’est-ce qu’une unité économique et sociale ? Et comment mettre en place des institutions représentatives du personnel au sein d’un tel groupement d’entreprises ?
Qu’est-ce qu’une unité économique et sociale ?
En droit du travail, l’unité économique et sociale (UES) désigne un regroupement, en une entité unique, de plusieurs entreprises juridiquement distinctes qui partagent des points communs tels qu’elles peuvent être considérées comme une seule entreprise. Ces points de rapprochement peuvent concerner des activités similaires ou complémentaires, une unité de direction, une communauté de travailleurs avec des intérêts et des conditions de travail en commun, etc. Très souvent, l’existence d’une UES découle aussi de la proximité géographique des sociétés concernées.
Une fois constituée, l’UES peut être divisée en établissements distincts. En son sein, chaque entreprise peut disposer de sa propre forme juridique (société commerciale ou civile, association, fédération, groupement d’intérêt économique…), mais il n’est pas possible de réunir en une UES à la fois une structure publique et une structure privée. De plus, le regroupement en tant que tel n’a pas de personnalité juridique.
Ce concept d’unité économique et sociale est apparu dans un arrêt de la Cour de cassation du 23 avril 1970. Il a ensuite été repris par la loi du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel, dite loi Auroux.
Sur quels critères se fonde la reconnaissance d’une unité sociale et économique ?
La reconnaissance d’une UES se fonde sur trois critères cumulatifs. Les entreprises qui constituent le regroupement doivent :
- Exercer des activités similaires ou complémentaires (unité économique): clientèle similaire, activités proches ou identiques, activité globale répartie entre plusieurs entreprises, etc
- Être placées sous un même pouvoir de direction (dirigeants ou administrateurs communs). Cette concentration s’apprécie au niveau des dirigeants de droit et de fait.
- Être réunies par l’existence d’une communauté de travailleurs (unité sociale), ce qui se traduit par une politique sociale et par des conditions de travail similaires pour les salariés des différents établissements. Plusieurs points de convergence peuvent être pris en compte dans la reconnaissance d’une UES : gestion commune du personnel, négociations d’accords au niveau de l’unité sociale et économique, convention collective identique pour tous les salariés, etc.
Lorsque ces conditions sont réunies, la reconnaissance de l’unité sociale et économique doit faire l’objet d’un accord collectif (conclu entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives) selon la règle de validité de droit commun des 50 % des suffrages exprimés, comme le prévoit le Code du travail. C’est ce que précise aussi un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 14 novembre 2013 : « la reconnaissance ou la modification conventionnelle d’une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d’accord préélectoral mais de l’accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette UES ».
Cette reconnaissance peut aussi découler d’une décision de justice émanant du tribunal d’instance, à la demande de toute personne ayant un intérêt à agir en ce sens : employeur, salariés, organisations syndicales représentatives, délégué syndical, délégué du personnel…
Quelles sont les obligations relatives à la mise en place d’un CSE dans une UES ?
La reconnaissance d’une unité économique et sociale entraîne l’obligation de mettre en place un comité social (CSE) regroupant les anciennes institutions représentatives du personnel (délégation du personnel, comité d’entreprise, et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). C’est ce que prévoit l’article 2313-8 du Code du travail modifié par l’Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017.
Pour rappel, mettre en place un CSE est obligatoire dès lors qu’une entreprise voit son effectif atteindre 11 salariés pendant au moins 12 mois consécutifs, conformément au Code du travail (art. 2311-2).
CSE central et CSE d’établissements au sein d’une unité économique et sociale
Au moment de la reconnaissance de l’UES, les mandats sociaux en cours cessent et de nouvelles élections professionnelles doivent être organisées par l’employeur au niveau de l’UES (Cour de cassation, Chambre sociale, n°02-60.935, 26 mai 2004).
Le CSE d’une UES est commun à toutes les entreprises regroupées en son sein. Lorsque les entreprises qui constituent l’unité économique et sociale disposent de comités préexistants, ceux-ci sont transformés en comités d’établissement et il devient nécessaire de procéder à l’élection d’un CSE central. Si l’une des entreprises intégrées au groupement dispose déjà d’un comité central, celui-ci s’efface au profit du nouveau CSE où siègent tous les représentants du personnel de l’UES.
Désignation des membres de la délégation du personnel au CSE
Le nombre de membres qui composent la délégation du personnel au CSE est défini par la loi en fonction de l’effectif total de l’UES regroupant les entreprises juridiquement distinctes. Dans une unité économique et sociale, l’effectif s’apprécie selon le nombre d’établissements distincts et selon leur périmètre – des éléments déterminés par accord d’entreprise ou, à défaut, par un employeur mandaté par les autres chefs d’entreprise pour fixer le nombre de représentants du personnel.
La désignation d’un délégué syndical au niveau de l’UES concerne les groupements d’au moins 50 salariés, mais à la condition que l’organisation syndicale ait établie en amont sa représentativité (obtention d’un minimum de 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour des précédentes élections professionnelles – article L2143-3 du Code du travail).
Vous savez tout, désormais, au sujet de l’unité économique et sociale, des établissements distincts, et des obligations relatives à la mise en place d’un CSE dans ce groupement d’entreprises.
FAQ : Quelles sont les conditions à remplir pour établir une unité économique et sociale ?
Pour créer une unité économique et sociale, les sociétés juridiquement distinctes qui la constituent doivent avoir plusieurs critères en commun, inscrits dans le droit du travail français. À savoir :
- Des activités complémentaires ou similaires.
- Des liens financiers solides.
- Des méthodes de gestion proches ou similaires (en matière de gestion administrative, informatique et comptable).
- Des stratégies économiques et financières en commun.
- Une concentration statutaire des pouvoirs de direction et/ou une communauté d’intérêts.
Notez que ces critères sont appréciés par les juges de manière globale.
Quels sont les bénéfices d’une UES pour les salariés ?
La création d’une unité économique et sociale (UES) revêt des avantages non négligeables pour les salariés. En particulier, l’UES leur garantit l’accès à des instances représentatives du personnel communes, notamment un comité social et économique (CSE), ce qui leur confère une voix plus forte lors des échanges avec l’employeur. Pour rappel, la mise en place d’un CSE est obligatoire pour toutes les entreprises comptant au moins 11 salariés pendant 12 mois consécutifs. La création d’une UES peut aussi contribuer à harmoniser les conditions de travail au sein des différentes sociétés qui constituent l’entité, chaque entreprise opérant désormais sous une bannière commune. Pour l’employeur, enfin, l’UES est l’occasion d’avoir un interlocuteur unique (le CSE central) et un niveau de négociation qui l’est aussi.
Comment se déroule la procédure de reconnaissance d’une UES ?
Conformément à ce que prévoit le Code du travail (art. L2313-8), la reconnaissance d’une UES peut se faire par le biais d’un accord collectif ou à la suite d’une décision de justice, après saisine du tribunal judiciaire.
- L’accord collectif qui acte la reconnaissance d’une UES est commun à toutes les entreprises formant cette entité. Il doit respecter les critères de conformité propres à tous les accords collectifs d’entreprise, en particulier l’invitation de l’ensemble des organisations syndicales représentatives de chaque entité juridique.
- La reconnaissance par décision judiciaire peut être demandée par toute personne intéressée (salarié, employeur, organisation syndicale ou autre), dès lors que les conditions sont réunies. Un avis rendu par la Cour de cassation (Cass., civile, soc., 31 janvier 2012, n°11-20.232 et n°11-20.233) précise que cette demande doit être faite en dehors de tout litige concernant la désignation des délégués syndicaux ou les élections professionnelles, et avant la mise en place des institutions représentatives.
Quels risques découlent de la constitution d’une UES ?
La mise en place d’une unité économique et sociale (UES) présente des risques qu’il faut avoir en tête avant de lancer une telle procédure. Ces risques sont les suivants :
- Perte d’autonomie dans la gestion spécifique de chaque entreprise.
- Nécessité de réorganiser l’instance représentative du personnel : il faut définir un CSE central, les comités propres à chaque entreprise devenant des CES d’établissements.
- Contestation possible de l’accord collectif ayant donné lieu à la reconnaissance de l’UES.
- Risque de délit d’entrave lorsqu’une UES est reconnue et que l’employeur se refuse à mettre en place les accords collectifs correspondants ainsi que les instances du personnel obligatoires.
Comment sortir d’une unité économique et sociale ?
La sortie de l’UES intervient dès lors que l’entreprise ne remplit plus l’une des conditions requises pour la reconnaissance de cette entité. Néanmoins, cette sortie doit être actée soit en modifiant l’accord collectif qui a initié la création de l’UES, soit en demandant une nouvelle décision de justice.
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